Une filière d’immigration en Rouergue : les colporteurs Savoyards de Saint-Jean-d’Arves
Migrations
Écrit par Jean-Yves Bou et publié le 29 Jan 2017
4 minutes de lecture
Parmi les surprises de la recherche, celle de découvrir, sous l'Ancien Régime, des Rouergats originaires de la vallée de la Maurienne, comme moi, ou presque.
Je remercie Marc Arnaud qui a apporté à cet article quelques précisions et corrections que l'on trouve dans la rubrique commentaire, à la fin de la page, et que j'ai introduites en italique sans modifier l'article initial.
Aux XVIIe-XVIIIe siècles, la Savoie n’était pas dans le Royaume de France. C'était un duché indépendant, devenu en 1720 une partie du Royaume de Sardaigne.
Les montagnes savoyardes étaient tournées vers l’émigration, saisonnière, temporaire ou définitive, avec l’idée que cette dernière s’est plutôt imposée au XIXe siècle. Si cette émigration pouvait avoir comme destination la région lyonnaise, la Provence, l’Italie du Nord, la Suisse et l’Allemagne, on rencontre en Rouergue à la fin du XVIIe siècle une petite filière d’immigration savoyarde.
On croise au moins 16 Savoyards dans la base du C.G.A. pour les XVIIe et XVIIIe siècles, entre 1612 et 1782. Pour deux d’entre eux, la mention de la paroisse d’origine ne permet pas de la retrouver (problème de transcription ou de précision).
Des Savoyards dont l'origine reste problématique (correction grâce à Marc Arnaud, voir aussi commentaires en fin d'article)
- En 1687, Pierre Mollarès, marchand de Chermieu, paroisse de Mouron (lieux non identifiés) passe contrat de mariage à Broquiès (il s'agirait de Pierre Mollaret des Chalmieux de Montrond, près de Saint-Jean-d'Arves).
- En 1712, Augustin Girard, maréchal des logis, natif du vilage Lachea de Tarentaize en Savoye (non identifié, La Léchère ?) meurt à Sévérac.
Quatre cas isolés
- Jacques Lamonte, de Clermon en Savoye (Clermont près d'Annecy) est présent à Saint-Affrique en 1612. En 1614 et 1615, sa femme Magdelaine Bousquet donne naissance à deux enfants à Sévérac, où elle meurt en 1616. Plus de traces ensuite.
- Pierre Julien de Chambéry qui se marie à Rodez en 1623.
- Joseph Antoine Charbonnel, sculpteur comme son père, né à Turin, venant de Termignon en Maurienne, se marie à Rodez en 1759.
- Antoine Bloza de Monthion (près d’Albertville), domestique, habitant Albi depuis 1762, passe contrat de mariage à Rodez en 1782.
Les Savoyards de la Maurienne
Deux autres sont de la vallée de la Maurienne, sans que l’on puisse localiser le toponyme : Estienne Guille, marchand trafiquant, âgé de 30 ans en 1714, habitant en Rouergue depuis 15 ans, originaire de Valonet (en fait dans la paroisse de Saint-Jean-d'Arves). Il passe un contrat de mariage devant le notaire de Gabriac pour épouser la fille d’un menuisier d’Espalion ; et Jean Claude Perret, fils d’un journalier de terre de La Baume, valet domestique de l’évêque de Rodez depuis 1734, épouse en 1738 la fille d’un voiturier de Saint-Christophe.
La famille Brun des Sallanches de Saint-Jean-d'Arves - vers 1890? - carte postale publiée sur le site chanin.net
Les migrants de la paroisse de Saint-Jean-d'Arves
Carte postale ancienne empruntée au site internet des archives de la Savoie
Les huit autres sont de la paroisse de Saint-Jean-d’Arves, plusieurs du hameau du Villard : c’est la « filière » que j’ai évoquée :
- En 1680, Jacques Allès (sans doute Alex), marchand de toiles à Rodez teste en faveur de sa mère et de ses parents restés en Savoie.
- A-t-il un lien familial avec Martin et Jacques Grange, frères, marchands habitants Cassagnes-Bégonhes, qui s’y marient en 1696 et 1701 ?
- En 1705 c’est au tour de Claude Arlo (pour Arlaud), travailleur, de se marier à Cassagnes.
- En 1709, Janvier Arnaud, en Rouergue depuis 15 ans (1694) se marie au Truel.
- En 1733, François Feige (pour Fay), colporteur de 22 ans, décède à Lapanouse de Sévérac.
- En 1736, Jean Grand, « dans ce pays depuis l’âge de 9 ou 10 ans » se marie à Arvieu.
- Enfin en 1753, Georges Bertrand, colporteur, se marie à Peyreleau ; il se remarie en 1766 à Sévérac, l’acte précisant qu’il habite Aguessac depuis 25 ans (1741) ; lors du baptême de son fils Pierre en 1767, il est aussi dit colporteur, puis marchand.
Le hameau du Villard dans la commune de Saint-Jean-d'Arves dont l'église est au second plan - carte postale ancienne publiée sur le site www.chanin.net
Les Savoyards et la justice rouergate d'Ancien Régime
L’inventaire des séries 3B et 4B des Archives départementales de l'Aveyron, établi par Jean Maurel, nous signale en 1742 Enterme Perné, natif du Pont-de-Beauvoisin, colporteur de cheveux et de bagues, accusé de vol et filouterie par le jeu (jeu des gobelets, avec des coques de noix et une petite boule de pain) par le meunier de Pont-de-Salars.
Des colporteurs de Beaufort sur les routes et les foires rouergates
- En 1762, Maximin Molliet, marchand de Beaufort en Savoie, porte plainte contre Catherine Charbonnel, marchande de Brioude, pour accusation calomnieuse de vol de tissus à la foire de mi-carême à Rodez.
- En 1772, le procureur du roi entame une procédure contre Jean-Baptiste Dujaquet, de Beaufort en Tarentaise, colporteur, pour vol d’un lot de bonnets mis en dépôt par un marchand chez un aubergiste de Rodez, et aussi d’autres marchandises.
- En 1775, le procureur fiscal de la Cité de Rodez accuse Jean-Baptiste Duc, marchand colporteur, natif de Beaufort en Savoye, du vol d’une redingote, un jour de grand froid et de grande faim.
- En 1781, le sieur Liotard, marchand bijoutier de Montpellier, porte plainte contre Jacquet, marchand colporteur ambulant, Chevalier, Vialet, marchands bijoutiers de Beaufort en Savoie, Vincent Sesani, marchand colporteur italien, et d’autres pour opposition à une saisie et rébellion à huissier.
arnaud marc
Etienne Guille, nom de famille de Saint-Jean d'Arves, Le Valonet, hameau de Saint-Jean d'Arves, au-dessus d' Entraigues.
Pierre Mollares (1687), sûrement Pierre Mollaret, nom de famille d'Albiez-Montrond, Les Chalmieux, hameau commune de Montrond, aujourd'hui Albiez-Montrond (fusion en 1972), limitrophe de Saint-Jean-d'Arves
arnaud marc
Arnaud / Grange/ Grand/ Bertrand/ noms de famille présents à Saint-Jean-d'Arves à cette période, par contre Arlo /Feige /Alles/ sûrement une mauvaise transcription : c'est sûrement Arlaud/ Fay / Alex noms présents sur la commune de Saint-Jean-d'Arves à cette période